Latam Insights : Bolivie, Panama et Salvador dans l’univers des crypto-monnaies
CryptoLatam : trois trajectoires, un même continent en mutation
De la prudence bolivienne à l’ambition panaméenne, en passant par le pari salvadorien, l’Amérique latine illustre la diversité des réponses face aux crypto-monnaies.
Chaque pays avance avec ses propres contraintes économiques et ses ambitions stratégiques, mais une tendance se dessine : la région est devenue un laboratoire mondial de la finance numérique.
L’avenir dira si ces choix divergents mèneront à une intégration durable des cryptos dans les économies nationales, ou à de nouvelles tensions monétaires. Une chose est sûre : l’Amérique latine restera au cœur des débats sur l’avenir des monnaies numériques.
L’Amérique latine continue de jouer un rôle central dans l’adoption – parfois contrastée – des crypto-monnaies. Alors que certains pays cherchent à s’imposer comme pionniers de la finance numérique, d’autres préfèrent freiner l’essor de ces actifs. Retour sur trois actualités marquantes : la Bolivie, le Panama et le Salvador.
- La Bolivie se montre réticente et durcit sa régulation.
- Le Panama accélère et cherche à devenir un hub crypto-financier.
- Le Salvador confirme son pari audacieux et reçoit l’aval du FMI.
Ces trajectoires divergentes illustrent la diversité des approches latino-américaines face aux crypto-monnaies, entre prudence, ambition et reconnaissance internationale.
Bolivie : interdiction des transactions énergétiques en crypto
En Bolivie, le gouvernement a choisi de maintenir une position ferme face aux crypto-monnaies, en particulier lorsqu’elles touchent à des secteurs stratégiques comme l’énergie. Le 23 mai, le décret exécutif 5399 est venu renforcer cette ligne restrictive en interdisant à YPFB (Yacimientos Petrolíferos Fiscales Bolivianos), l’entreprise pétrolière nationale, d’utiliser des crypto-actifs pour régler ses transactions énergétiques.
Cette mesure s’inscrit dans un contexte économique tendu : la Bolivie connaît depuis plusieurs mois une pression accrue sur sa monnaie nationale (le boliviano) et un affaiblissement de ses réserves internationales, ce qui alimente les spéculations autour des devises et des stablecoins.
Le président Luis Arce a tenu à clarifier les raisons de cette interdiction :
« YPFB n’a effectué aucune transaction avec des crypto-actifs ; cependant, il y a eu beaucoup de spéculations sur cette question, ce qui affecte les attentes concernant le taux de change. Cette mesure élimine cette distorsion. »
En d’autres termes, le gouvernement veut éviter que l’utilisation de crypto-monnaies dans un secteur clé comme l’énergie ne fragilise davantage la confiance dans la monnaie nationale et ne crée un effet de substitution vers des devises numériques plus stables, comme l’USDT (Tether) ou l’USDC.
Pourtant, cette décision peut paraître contradictoire : la Bolivie avait montré ces derniers mois une timide ouverture vers l’écosystème crypto, en assouplissant légèrement certaines restrictions et en évoquant la possibilité d’encadrer les usages numériques dans la finance. L’interdiction adressée à YPFB marque donc un retour en arrière, ou du moins une volonté de freiner toute généralisation trop rapide.
Analyse : un choix politique et monétaire avant tout
- Protection du taux de change : en bloquant les paiements en crypto, le gouvernement cherche à préserver la stabilité du boliviano, déjà sous tension.
- Préserver la souveraineté financière : autoriser les cryptos dans le secteur énergétique pourrait réduire le contrôle de l’État sur une source essentielle de revenus.
- Un message politique : à l’heure où certains voisins comme le Salvador et le Panama s’ouvrent au bitcoin, la Bolivie choisit de se positionner comme un pays prudent, voire méfiant, vis-à-vis des monnaies numériques.
Salvador : validation du FMI malgré le pari bitcoin
Le Salvador, pionnier de l’adoption du bitcoin comme monnaie légale, vient de franchir une étape importante avec le Fonds monétaire international (FMI). L’institution a validé la première révision de son accord de facilité de crédit, saluant la solide performance économique du pays.
Les autorités salvadoriennes ont atteint la plupart des objectifs fixés, permettant le déblocage de 120 millions de dollars pour soutenir la stabilité financière.
Dans leur déclaration, Luis Cubeddu et Iván Torres (FMI) ont souligné :
« La plupart des objectifs du programme fixés pour la première révision ont été largement atteints, et la mise en œuvre des benchmarks structurels progresse bien. »
Cette reconnaissance internationale est notable, compte tenu de la stratégie unique du pays qui continue d’intégrer le bitcoin dans son économie malgré les critiques initiales.
Panama : accélération vers l’adoption du bitcoin
À contre-courant de pays plus prudents comme la Bolivie, le Panama multiplie les initiatives pour devenir un hub régional incontournable des crypto-monnaies. Vous Pouvez consulter le site web de tousaupanama.com pour plus d’informations sur l’expatriation au Panama.
Lors de la conférence Bitcoin 2025, le maire de Panama City, Mayer Mizrachi, a fait une annonce marquante : la Caja de Ahorros, deuxième plus grande banque nationale, proposera prochainement des comptes en bitcoin. Ces comptes permettront d’effectuer des transactions en BTC mais aussi de les convertir facilement en dollars, la monnaie la plus utilisée au Panama.
Il a déclaré :
« Maintenant, la deuxième plus grande banque nationale, Caja de Ahorros, va ouvrir des comptes Bitcoin qui peuvent facilement effectuer des transactions en dollars. »
Une stratégie financière ambitieuse
Cette décision ne se limite pas à une simple ouverture bancaire. Le gouvernement panaméen explore également :
- La constitution d’une réserve stratégique en bitcoins, un mouvement qui renforcerait la position du pays comme pionnier régional.
- L’acceptation des paiements en BTC pour l’utilisation du canal de Panama, une mesure symbolique et hautement stratégique : ce passage maritime génère des milliards de dollars de revenus annuels et constitue un levier majeur de souveraineté économique.
En intégrant les crypto-actifs dans un secteur aussi central, le Panama enverrait un signal fort aux marchés internationaux : celui d’un pays prêt à embrasser pleinement la finance numérique.
Un écosystème déjà favorable
Plusieurs facteurs expliquent cette accélération :
- Dollarisation de l’économie : le Panama utilise déjà le dollar américain comme monnaie officielle, ce qui facilite l’intégration des cryptos indexées sur l’USD (ex. stablecoins).
- Rôle de place financière internationale : avec sa tradition bancaire et son statut de hub logistique et maritime, le Panama attire depuis longtemps les capitaux étrangers.
- Communauté crypto en plein essor : startups locales, fintech et événements comme Bitcoin 2025 créent un écosystème dynamique.
Toutefois, cette orientation vers les crypto-monnaies soulève des questions :
- Régulation : le cadre légal autour des cryptos reste encore flou, ce qui peut créer de l’incertitude pour les investisseurs.
- Volatilité : même avec une réserve stratégique, le bitcoin reste un actif très volatile, susceptible d’exposer les finances publiques à des risques.
- Perception internationale : une adoption massive du BTC pourrait séduire certains investisseurs, mais inquiéter des institutions comme le FMI, qui privilégient la stabilité monétaire.
Le Panama semble vouloir se distinguer comme un territoire attractif pour les capitaux numériques, en s’appuyant sur ses atouts historiques (canal, système bancaire, position géographique). Si cette stratégie est menée avec un cadre réglementaire solide, elle pourrait :
- Attirer de nouveaux investisseurs étrangers, notamment dans la fintech et les crypto-services.
- Diversifier l’économie nationale, encore très dépendante du commerce maritime.
- Placer le pays sur la carte mondiale de la finance digitale, à côté du Salvador mais avec une approche plus intégrée et institutionnelle.